Les nouvelles « Garanties légales » concernant la propriété intellectuelle de tiers offertes par les fournisseurs d’outils propulsés par l’IA

« J’ai lu que ChatGPT allait m’indemniser si quelqu’un me poursuit pour quelque chose qu’il a produit ».   Est-ce vrai?

La courte réponse est « Oui »; la réponse plus longue est « Oui, mais […] ». Bien qu’il s’agisse d’une question davantage concrète que la vaste majorité des questions juridiques entourant l’usage de l’intelligence artificielle pour un entreprise, il est possible d’ouvrir une multitude de parenthèses au sujet des garanties légales, pour les réclamations en lien avec la propriété intellectuelle, offertes par les principaux fournisseurs d’IA. Plusieurs facteurs, tel que le fournisseur choisi, le forfait souscrit, l’utilisation faite de l’IA ou les données (« inputs ») fournies, peuvent influencer l’éligibilité à l’indemnisation.

Cet article ne se veut pas une revue exhaustive de ces facteurs pouvant influer sur l’applicabilité d’une indemnisation pour des réclamations de tiers concernant la violation de propriété intellectuelle. Il vise plutôt à souligner les principaux aspects que les entreprises doivent retenir concernant ces nouvelles indemnisations.

Vous pouvez aussi défiler à la fin de l’article pour (A la fin de l’article, vous trouverez) une « checklist » non exhaustive de quelques éléments à garder en tête.

L’indemnisation, sous réserve des termes contenus dans les contrats, implique la prise en charge par le fournisseur des coûts de votre défense contre une réclamation d’une tierce partie et, en cas de jugement ou de règlement hors cour, celui-ci vous versera le montant des dommages attribués.

 

Une indemnisation pour les « outputs »

Certaines personnes, connaissant bien les garanties habituelles dans les contrats de service logiciel, pourraient légitimement souligner que les indemnités pour des réclamations de tiers liées à une possible violation de droits de propriété intellectuelle lors de l’utilisation d’un logiciel sont monnaie courante.

Cependant, les nouvelles indemnisations en matière de propriété intellectuelle visent les « outputs » générés par l’IA et non seulement l’utilisation de l’IA en elle-même. Les outputs sont les éléments produits par l’IA, comme des textes, des images, ou d’autres contenus, lorsque vous l’utilisez.

Pour simplifier l’idée, imaginez que l’IA soit un Thermomix. Ces garanties ne cherchent pas à simplement indemniser dans les situations où l’utilisation du Thermomix viole un brevet ou un secret commercial, mais plutôt dans le cas où le produit final, tel qu’un plat de poulet, contrevient aux droits de propriété intellectuelle d’une tierce partie.

 

L’abonnement retenu (Abonnement commercial)

D’entrée de jeu, la garantie doit être offerte pour le service auquel vous êtes abonné. Cela peut sembler évident, mais pour certains services, il est crucial de distinguer entre un abonnement destiné à un usage commercial (ou professionnel) et un abonnement destiné à un usage personnel. Par exemple, les indemnisations offertes par OpenAI pour le service ChatGPT, et par Microsoft pour Copilote, ciblent les comptes commerciaux.

Dans le cas d’Open AI, les « Service terms » traitant de l’indemnité pour les « outputs » générés par ChatGPT font expressément référence à « ChatGPT Enterprise »[1].

Même chose du côté de Microsoft où l’indemnisation s’applique uniquement « aux versions payantes des services Copilote commerciaux de Microsoft (y compris le Copilote Windows lorsqu’il est connecté à l’aide d’un identifiant professionnel) et à Bing Chat Enterprise [notre traduction] »[2]. En novembre dernier, Microsoft a aussi étendu cette protection aux clients commerciaux utilisant les services Azure Open AI[3].

Ainsi, une entreprise ayant opté pour un abonnement ChatGPT autre que celui « Enterprise », ou n’ayant pas souscrit aux services commerciaux de Windows, ne bénéficie pas de couverture pour les « outputs ».

 

Les termes auxquels les fournisseurs acceptent d’indemniser

Il faut par la suite regarder du côté des conditions auxquelles votre fournisseur accepte de vous indemniser. Reprenons le cas de Microsoft et d’Open AI.

Microsoft

Dans le cas de Microsoft, c’est dans les « Universal Licence Terms » pour les services en ligne que l’on retrouve la clause d’indemnisation intitulée « Customer Copyright Commitment »[4].

Malgré cet intitulé, l’indemnisation ne se limite pas exclusivement au droit d’auteur, mais englobe également les réclamations de tiers relatives aux droits d’auteur, aux brevets, aux marques, aux secrets-commerciaux ou au droit à l’image. À l’exclusion des réclamations allégeant que l’output, tel qu’utilisé dans le commerce, viole la marque déposée d’un tiers ou des droits connexes.

Il est crucial de noter que l’indemnisation est conditionnée au fait que vous déteniez les droits sur les « inputs » que vous fournissez à l’IA. Cette nuance est particulièrement importante avec Copilot, car ce programme peut extraire des informations d’un document sans intervention directe, simplement en apprenant du contenu lorsqu’il vous assiste dans la rédaction. Il est donc essentiel de vérifier que vous possédez les droits sur les informations utilisées par votre assistant Copilot, ou que ces informations soient libres de droits.

Par ailleurs, contrairement à ChatGPT, l’indemnisation chez Microsoft couvre également les situations où vous modifiez le contenu généré par l’IA. Toutefois, cette couverture est soumise à la condition que vous ne modifiiez, n’utilisiez ni ne distribuiez l’output en question d’une manière dont vous savez, ou devriez savoir, qu’elle est susceptible d’enfreindre ou de s’approprier indûment les droits de propriété intellectuelle d’un tiers. En d’autres termes, vous ne devez pas faire l’autruche et utiliser un contenu généré par l’IA de manière que vous savez, ou devriez savoir, susceptible de violer les droits de propriété intellectuelle d’un tiers

Enfin, il est impératif de ne pas avoir désactivé, contourné, perturbé, ou interféré avec les mesures de sécurité intégrées au service, telles que les filtres de contenu ou les restrictions dans les « metaprompts ».

D’autres obligations s’ajoutent pour les utilisateurs des services Azure OpenAI service[5].

 

OpenAI (ChatGPT)

Dans le cas de ChatGPT, l’indemnisation couvre elle aussi tous les droits de propriété intellectuelle, à l’exception des marques de commerces lorsque la réclamation est basée sur l’utilisation de l’output dans le commerce.

Cette indemnisation est elle aussi conditionnée par le fait que vous détenez les droits sur les inputs ou que ceux-ci soient libres de droits.

Il est crucial de noter que pour ChatGPT, l’indemnisation ne s’applique pas si vous avez modifié l’output fourni par l’IA. Cette spécificité diffère de l’approche adoptée par Microsoft avec son IA.

Encore une fois, vous ne devez pas avoir désactivé ou ignoré les fonctionnalités ou restrictions de citation, de filtrage ou de sécurité fournies par OpenAI. L’indemnisation est également inapplicable si vous utilisez l’output en sachant, ou en devant savoir, qu’il pourrait violer les droits de propriété intellectuelle d’un tiers.

Une checklist

En résumé, à partir des exemples des outils fournis par OpenAI et Microsoft, il est possible de déduire quelques principes de base ou points à surveiller. Ces points peuvent vous aider à déterminer si vous êtes couvert par une indemnisation pour les réclamations de tiers concernant leur propriété intellectuelle. Voici ces principes sous forme d’une courte checklist :

  1. Une telle indemnisation est-elle offerte par votre fournisseur?
  2. Avez-vous souscrit à un forfait donnant accès à cette indemnisation (par exemple, les comptes commerciaux)?
  3. Détenez-vous les droits sur les « inputs » que vous avez fournis à l’IA, ou sont-ils libres de droits?
  4. L’output généré semble-t-il susceptible de violer des droits de propriété intellectuelle d’un tiers?
  5. Avez-vous modifié l’output généré? L’indemnisation offerte par votre fournisseur couvre-t-elle ces modifications?
  6. Prévoyez-vous d’utiliser l’output généré comme un logo, une marque de commerce, ou tout autre élément distinctif dans un contexte commercial?

À noter que ce texte vise à vulgariser l’information contenue dans les différents textes légaux relatifs à ces programmes et omet certaines considérations plus complexes, telles que l’utilisation de ces IA en intégration ou en combinaison avec d’autres services tiers. Pour des informations plus détaillées, n’hésitez pas à communiquer avec l’équipe de Propulsio 360.

[1] OpenAI. (2024). Service terms. Récupéré le 14 avril 2024, de https://openai.com/policies/service-terms.

[2] Microsoft. (2024). Microsoft Copilot Copyright Commitment. Récupéré le 14 avril 2024, de https://www.microsoft.com/en-us/licensing/news/microsoft-copilot-copyright-commitment.

[3] Microsoft. (2023). Copilot Copyright Commitment: AI Legal Concerns. Récupéré le 14 avril 2024, de https://blogs.microsoft.com/on-the-issues/2023/09/07/copilot-copyright-commitment-ai-legal-concerns/.

[4] Microsoft. (2024). Termes de licence pour les services en ligne. Récupéré le 14 avril 2024, de https://www.microsoft.com/licensing/terms/product/ForOnlineServices/all.

[5] Microsoft. (2024). Engagement en matière de droits d’auteur pour les clients des services cognitifs OpenAI. Récupéré le 14 avril 2024, de https://learn.microsoft.com/fr-ca/legal/cognitive-services/openai/customer-copyright-commitment.

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